Jean-Noël Paquot (1722 - 1803) Un Article sur Jean Gropper

Publié le par Enguerrand

N’ayant été jamais dans les provinces auxquelles je me borne dans ces mémoires n’y aurait point de place si Monsieur Foppens ne lui en avait donné une dans sa continuation de Valère André.

Ce grand homme était le fils aîné de Jean Gropper, bourgmestre de Soest en Westphalie et d’Anne Hagen, et naquit dans cette petite ville le 19 février 1502 que l’on comptait alors 1501. Ayant brillé dans ses premières études, il fit sa philosophie à Cologne dans le collège dit Montanum auquel il a laissé une marque de sa reconnaissance en y fondant deux leçons de Catéchisme qui s’y font le mercredi et le samedi de chaque semaine. Après cela il ´tudia la jurisprudence dans la même Université et s’y étant fait recevoir docteur en droit canonique il fut successivement pourvu de divers bénéfices. Il fut prévôt et official de Xante, prévôt de Soest, écolâtre de Saint-Géréon de Cologne et chanoine de la métropole. Il fut encore élu doyen de Notre-Dame ad Gradus dans la même ville en 1551. Mais, il remit ensuite cette dignité entre les mains du chapitre. Son mérite l’ayant mis en grande considération auprès de l’archevêque Hermann de Wied. Ce prélat se reposa presque entièrement sur lui de réformer son diocèse. Gropper crut devoir s’y prendre par des voies de douceur et parut d’abord se mettre plutôt au rang des conciliateurs que ceux qui s’appliquaient à réfuter les hérésies du temps. Le plan de Réformation qu’il dressa sous l’autorité de l’archevêque en 1536, ne fut pas goûté ni des catholiques ni des luthériens. Quatre ans après, l’empereur Charles Quint, informé de sa capacité aussi bien que de son caractère pacifique, le mit au nombre des trois théologiens catholiques qu’il choisit pour assister au Colloque qu’il fit tenir en 1541 à Ratisbonne dans la vue de terminer les différends de Religion. Ce choix donna des espèrances aux luthériens et alarma les catholiques, particulièrement le célèbre Eckius qui eut pourtant sujet de se tranquilliser lorsque sa majesté impérial rendit dans l’assemblée un témoignage public de la catholicité et de la bonne foi de Gropper. Quelques écrivains lui attribuaient le livre de la Concorde que Charles Quint présenta à ceux qui devaient être les tenants dans la conférence et qui contenait le plan de la conciliation qu’on cherchait. Mais, ce fait n’est pas avéré. Bucer et Sleidan son copiste prétendent que Gropper accorda beaucoup de points aux protestants. Et, si on les croit, ce fut lui qui conseilla à l’archevêque Hermann de travailler à pacifier les démêlés que la différence des religions avait fait naître dans son Electorat et d’inviter à cet effet Bucer à sa cour. Mais, ces faits sont démentis par les historiens les mieux instruits de la chose, je veux dire, par Gaspar von Gennep, par Surius et par Gropper lui même qui traite nettement Sleidan de calomniateur à cet égard.

Ce fut en 1542, après la conférence de Haguenau que l’archevêque à l’insu de tous les gens de bien et en particulier de son chancelier Thierry, comte de Manderscheid, manda Bucer à Bonn. Celui-ci s’y rendit et fut suivi de Melanchthon, de Sarcerius, de Hedion, de Pistorius et de quelques autres. Cependant, on avait fait venir à Buschoven, Gropper et le suffragant Jean Nopelius qui furent étrangement surpris d’apprendre l’arrivée de ces hérétiques. Gropper qui connaissait déjà les artifices de Bucer, ne tarda pas à pénétrer le motif de sa venue et n’oublia rien pour persuader à l’archevêque de le renvoyer. Il montra au prélat un écrit signé de cet apostat au Colloque de Worms où il confessait les plus importants articles de la foi catholique. Mais, voyant que Hermann était gagné et résolu de fermer les yeux à la lumière, il réunit tous ses efforts contre la prétendue Réformation que l’on voulait introduire. Il opposa à l’écrit que Bucer publia sur cette matière l’Antididagma qui parut sous le nom du clergé et de l’Université de Cologne. En 1545, il fut député à la diète de Worms pour y défendre les droits de son Eglise métropolitaine en présence de Charles Quint et il s’en acquitta si heureusement que l’électeur Hermann fut déposé par l‘autorité du Pape et de l’empereur et le comte Adolphe de Schaumbourg mis à sa place. Paul III pour récompenser les travaux de Gropper lui donna en 1547 la prévôté de Bonne, riche bénéfice, occupé auparavant par Frédéric de Wied, frère de Hermann, auquel est annexé l’archidiaconé de la même Eglise. En 1551 il alla avec le nouvel archevêque au Concile de Trente et y opina très fortement sur les Appellations. Le Pape Paul III à la promotion qu’il fit le 20 décembre 1555 voulut l’honorer de la pourpre romaine qu’il s’excusa d’accepter. Cependant, Gropper sollicité plusieurs fois par ce pontife de ce rendre à Rome, entreprit ce voyage l’an 1558 après l’élection du nouvel archevêque Gebhard de Mansfeld, et partit accompagné de Gaspard Gropper, son frère, et de Jean Oelschlager de Cologne, vicaire de Notre Dame ad Gradus. Arrivé à Augsbourg, il fut atteint d’une fièvre tierce qui ne l’empêcha pas de continuer sa route jusqu’à Forli où il sentit redoubler son mal. Il avança alors jusqu’à Pesaro pour être plus proche de Lorette. Là, réduit à l’extrémité, il pria fervemment la Mère de Dieu lui obtenir la grâce de  voir sa Sainte Chapelle avant de mourir. Il eut cette consolation et s’étant arrêté un jour et demi à Lorette, il acheva enfin sa course jusqu’à Rome. Le Pape le logea au Vatican et le fit traiter par ces médecins qui lui rendirent assez promptement la santé. Mais, il trouva bientôt d’autres ennemis à combattre que la maladie. Des envieux engagèrent Zacharie Delfini à publier un écrit contre lui. Ce vénitien, depuis cardinal, s’acquitta de cette tâche d’une manière très odieuse. Gropper défendit sa foi et son innocence par un écrit qu’il fit paraître de son côté. Une fièvre quarte l’ayant saisi quelque temps après, il ne songea plus qu’à se préparer à l’éternité. Enfin, après avoir reçu les derniers sacrements dans le grand sentiment de piété, il rendit l’esprit le 14 mars 1559, âgé de 57 ans. Le Pape voulut qu’on lui fit les honneurs funèbres qu’on fait aux évêques. Son corps fut exposé pendant deux jours sur un lit de parade. Plusieurs romains qui le virent s’écrièrent qu’ils n’avaient jamais vu plus de douceur et de majesté réunies sur un même visage. Le troisième jour on le porta fort solennellement à Notre Dame dell’Anima où il fut inhumé aux pieds du Pape Adrian VI […]

Paul IV prononça lui même son oraison funèbre dans laquelle il dit à plusieurs reprises : « Nequaquam D. Gropperum amisimus, sed ad Deum praemisimus. » Gropper était savant dans l’histoire et la discipline de l’Eglise et je ne sais si aucun théologien de son temps l’a surpassé dans la théologie dogmatique et dans la science de la tradition. Il n’était pas moins habile dans le grand art de la conduite des affaires. Ces qualités jointes à un zèle ardent pour la foi, mais acompagné d la plus grand douceur l’on mis en état de sercir très utilement l’Eglise et de sauver la religion catholique du péril imminent qu’elle courut dans l’électorat de Cologne. On l’a nommé le Père de la Patrie et tous les vrais catholiques lui accorderont volontiers ce titre glorieux. Ses mœurs répondaient à sa capacité. Il passait à l’église tout le temps que des affaires ou des études nécessaires lui laissaient libre et il était si délicat sur l’article de la chasteté qu’une servante s’étant ingérée de faire son lit en l’absence de son domestique, il la chassa au plutôt de sa chambre et jeta draps et matelas par la fenêtre. On voit, ou du moins on a vu, son portrait après sa mort sous le proche de l’Eglise de Saint Géréon.

cf. Paquot, Jean-Noël,  Mémoires pour Servir à l'Histoire  Litteraire des Dix-Sept Pronvinces des Pays-Bas, de la Principauté de Liège et  de quelques Contrées  Voisines, Tome Cinq ,  Louvain 1765,  pp  416 - 422.
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