Hercule Cyrano Savinien de Bergerac (1619 - 1655) Le Pédant joué - Comédie en cinq Actes - Acte V, Scène IX

Publié le par Enguerrand

Scènes IX

Granger, Gareau, Châteaufort, Paquier.

 

Granger.

 

Quels claimats sont allés habiter nos Rosciens ? l’antipode ou notre zénith ? Je vous décoche le bon jour, chevalier du grand revers, et vous, l’homme à l’héritage, salut et dilection !

 

Gareau.

 

Parguene, he sis venu nonobstant pour défrincher ma sussion encore eune petite escousse : excusez l’importunance, da ; car c’est la mainagere de mon onque qui ne feset que huyer environ moi, que je venis. Que velez-vous que je vous dise ? ol feset la guieblesse. « Ah ! vrament, se feset-elle à part soi, monsieur Granger, pis qu’il set tout c’est à ly à savoir ça. Va-t’en, va, Jean, il te dorra un consille là-dessus. » Dame, j’y sis venu.

 

Granger.

 

O mon cher ami ! par Apollon claire-face qui communique sa lumière aux choses les plus obscures ! ne nous veuille rejeter dedans le creux manoir de cette spelonque.

 

Gareau.

 

Parguene, monsieu, sacoutez don eun tantet et vous orez si je ne vous la boute pas aussi à clair qu’un cribe

 

Granger.

 

Ma parole est aussi tenable qu’un décret du destin.

 

Gareau.

 

Oh bian, comme dit Pilatre, quod scrisi, quod scrisi : n’importe, n’importe, ce nianmoins, tanquia qu’odon comme dit l’autre, vela eune petite douceur que nostre mère-grand vous envoye. (Il lui présente une fressure de veau pendue au bout d’un bâton.)

 

Granger.

 

Va, cher ami, je ne suis point jurisconsulte mercenaire.

 

Gareau.

 

Là, là, prenez trejours ; vaut mieux un tian que deux tu l’auras.

 

Granger.

 

Je te dis encore un coup que je te remercie.

 

Gareau.

 

Prenez, vous dis-je ! Vous ne sçavez pas qui vous prendra.

 

Granger.

 

Eh fi ! Champêtre hétérogène, prends-tu mes vêtements pour la marmite de ta maison ?

 

Gareau.

 

Oh, oh, tredinse, il ne sera pas dit que j’usions d’obliviance ; caot que je siomes petits, je ne somes pas vilains.

 

Granger.

 

Veux-tu donc mediffamer a capite ad calcem ?

 

Gareau.

 

Bonnefy, vous le prendrais. Je sais bian, comme dit l’autre, que je ne sis pas digne d’estre capable, mais stanpandant oul n’y a rian qui ressembe si bian à eun chat qu’eune chattte. Bonnefy, vous le prendrais da, car on me buiret ; et pis, vous en garderiais de la rancœur encontre moy.

 

Granger.

 

O vénérable confrère de Pan, des faunes, des sylvains, des satyres et des driades, cesse enfin, par un excès de bonne volonté, de diffamer mes ornements et je te permets, par rémuneration, de rester spectateur d’une invention théâtrale la plus hilarieuse du monde.

 

Châteaufort.

 

J’y entre aussi, et, pour récompense, je te permets, en cas d’alarme, de te mettre à couvert sous le bouclier impénétrable de mon terrible nom.

 

Granger.

 

J’en suis d’accord car que saurait refuser un mari le jour de ses noces ?

 

Paquier, à Châteaufort

 

Mais, monsieur, je voudrais bien savoir qui vous êtes, vous qui vouliez entrer ?

 

Châteaufort.

 

Je suis le fils du Tonnerre, le frère aîné de la Foudre, le cousin de l’Eclair, l’oncle du Tintamarre, le neveu de Caron, le gendre des Furies, le marie de la Parque, le ruffian de la Mort, le père, l’ancêtre et le bisaïeul des Eclaircissements. 

 

Paquier.

 

Voyez si j’avais tort de lui refuser l’entrée ! Comment un si grand homme pourrait-il passer par une si petite porte ? Monsieur, on va souffre à condition que vous laisserez là vos parents ; car avec le bruit, le tonnerre et le tintamarre, on ne pourrait rien entendre.

 

Châteafort.

 

Garde-toi bien une autre fois de te méprendre. D’abord que quelqu’un viendra s’offrir, demande-lui son nom ; car, s’il s’appelle la Montagne, la Tour, la Roche, la Butte, Forte-Château, Châteaufort ou de quelque autre titre inébranlable, tu peux t’assurer que c’est moi.

 

Paquier.

Vous portez plusieurs noms, pour ce que vous avez plusieurs pères. (Ils entrent.)

Publié dans Poésies et Théâtre

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